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Photographes – Ilan Deutsch et Arnaud Robert-Gorsse

D’où vous vient cette passion pour la photographie ? Ilan, ton père était Grand Reporter, c’est lui qui te l’a transmis ?

Ilan : « J’ai toujours admiré le travail de mon père, mais plus son mode de vie, les relations qu’il a eu avec les grands de ce monde par le biais la photo. Cette passion pour la photographie m’est venue quand j’ai commencé à faire mes premiers voyages en contrées lointaines il y a trois ans, à la roots. La photo nous ouvre des portes pour observer et comprendre la culture d’un pays, mais aussi pour rencontrer ses habitants. »

Arnaud : « Ma passion pour la photographie est aussi venue au travers des voyages. Je suis né en Afrique du Sud. Il y a quelques années j’y suis retourné pour travailler, avec dans mon sac un appareil photo ; je me suis bien amusé avec ! J’aime aller chercher un instant précis, une émotion, la capter puis la partager avec d’autres personnes. »

 

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Galerie Düo

 

Comment vous êtes-vous connus tous les deux ?

I : « Sur les bancs d’une école de commerce ! » (Rire)

A : « Ça a matché tous les deux, car on se posait les mêmes questions sur le monde. »

I : « On était plutôt anticonformiste ; on ne se fondait pas dans la masse de cette école de commerce. »

 

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Un homme de la tribu des Akhas @crédit photo Ilan Deutsch et Arnaud R. Gorsse

 

Comment vous est venue l’idée de ce projet ? 

Arnaud : « L’idée nous est venue après l’école de commerce. On a voulu voyager de manière constructive tous les deux. On est partie d’un constat : on a souvent tendance à se plaindre pour un tout et un rien, malgré un confort certain, un accès à l’éducation, un des meilleurs systèmes de santé au monde, etc. On avait tous les deux déjà visité le Népal et on avait été inspiré par ces peuples, loin de tout, qui préservent un épanouissement  à toute épreuve.»

Ilan: « C’est ce qui nous a initiés dans ce projet-là, ce qui nous a donné l’envie d’aller les rencontrer pour comprendre comment il faisait pour avec si peu et coupé de tout, pour avoir cet épanouissement tant recherché dans notre société. »

 

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@crédit photo Ilan Deutsch et Arnaud Robert-Gorsse

 

Ce projet a été votre première grande expérience en terme de photographie de voyage?

Ilan: « Effectivement, « Regards d’ailleurs » a été notre premier gros projet et le seul pour le moment. »

 

Comment vous êtes-vous pris pour faire ce travail de documentation et pour trouver ces quatre peuples ? 

Ilan : « En amont, cela nous a pris environ quatre ou cinq mois. On a essayé de trouver des contacts par le biais d’ONG ou de personnes qui étaient déjà allées dans ces pays, ces contrées et ce n’était pas forcément évident ! »

Arnaud : « Pour la Tanzanie par exemple, on a trouvé un Américain qui s’occupait d’un orphelinat là-bas. On a eu beaucoup de chance, car il était marié à une femme Hadzabé. Ils étaient retournés vivre en ville. C’est grâce à lui que l’on a pu rentrer en contact avec la tribu des Hadzabés. »

 

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Un homme de la tribu des Hadzabés revenu de la chasse aux babouins @crédit photo Ilan Deutsch et Arnaud Robert-Gorsse

 

Comment vous êtes-vous réparti les rôles pour les prises de photo ? 

Ilan : « Au début, sur le terrain, on était plutôt désorganisé ! Après quelques journées, on a décidé qu’il y en aurait un qui filmait et l’autre qui shootait. On alternait tous les jours. »

Racontez-moi une journée type ? 

Arnaud : « C’est très difficile à raconter, car on n’a pas de journée type avec ces peuples ! En général, les premiers jours, on ne sort pas les appareils photo tout de suite. On prend le temps de nouer un lien avec les personnes de la tribu. »

Ilan : « On veut leur montrer que l’on a de bonnes intentions. La majeure partie du temps, on était observateur de leur mode de vie ; on essayait aussi de les aider dans leur tâche quotidienne. »

 

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@Crédit photo Ilan Deutsch et Arnaud Robert-Gorsse

 

Combien de temps restiez-vous auprès de chaque peuple ? 

Arnaud : « On restait entre deux et trois semaines, en immersion réelle, avec chacun d’eux. »

Vous aviez déjà une idée du type de photos que vous souhaitiez prendre, ou cela s’est fait sur place?

Ilan : « On était vraiment dans l’inconnu, tout s’est fait sur place, en même temps que l’on découvrait et que l’on comprenait les coutumes et le quotidien de ces peuples ! »

 

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@Crédit photo Ilan Deutsch et Arnaud Robert-Gorsse

 

Avec quels appareils photo avez-vous travaillé ?

Ilan: « Principalement des Canons 5D et 6D, avec différents objectifs »

 

Si vous ne deviez choisir qu’une photo, celle qui représente le plus ce projet à vos yeux, laquelle serait-ce ? 

Ilan : « La photo au Laos de la jeune femme Akhas en costume traditionnel, son smart phone dans les mains, qui montre la menace de la mondialisation et les effets du mode de nos sociétés occidentales sur ses ethnies, vouées à disparaître dans les décennies à venir.»

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@crédit photo Ilan Deutsch et Arnaud Robert-Gorsse

 

Arnaud : « Pour moi ce serait le cliché de ce petit enfant à la capuche verte qui a ses yeux écarquillé et émerveillé de par son insouciance, qui pour moi reflète vraiment notre projet. On a tendance à perdre cette insouciance et cet émerveillement en grandissant.  Notre projet a été non pas de retourner à l’enfance d’une personne, mais de l’être humain en général, de ses racines, de son histoire. On a voulu montrer le dénominateur commun à tous ces peuples, isolés de tout et à l’opposé de nos sociétés d’hyper connectivité et de consommation : sans cette notion de matérialité, ils ont un épanouissement, des liens entre eux et une philosophie de vie que l’on a perdu et que l’on recherche aujourd’hui. Ils vivent l’instant présent. »

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@Crédit Photo Ilan Deutsch et Arnaud Robert-Gorsse

 

Quelle est la tribu avec qui vous avez tissé le plus de lien ? 

I : «C’est difficile à dire, car chacun des peuples avait sa particularité. Pour moi, au niveau du contact humain, je dirais les Tsumbas (Népal), car ils nous ont vraiment accueillis très chaleureusement, comme leurs propres enfants.

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Un enfant Tsumba qui salut, les mains jointes. @Crédit photo I.Deutsch et A. R-Gorsse

 

: « Pour moi, ce serait les Hadzabés (Tanzanie), car on a une histoire très chargée derrière. On remonte vraiment aux racines de l’humanité. On va voir des personnes témoins de nos origines. C’est un sentiment fort et touchant de partager le quotidien de ce peuple qui a vécu des milliers d’années dans les mêmes traditions. Un peuple victime de la mondialisation ; ils ont perdu ces cinquante dernières années une grande partie de leur territoire. Comme de nombreuses tribus, ils seront amenés à disparaître… On a en face de nous les conséquences directes de la mondialisation. »

 

Ce projet vous a-t-il pris du temps à le réaliser?  

Ilan : « On a commencé en 2014 et cela nous a pris deux années, car nous travaillions aussi à côté. On a également fait un livre de 150 pages, qui rassemble de nombreux clichés que l’on a pris, en plus de ceux exposés dans « Regards d’ailleurs ».  On y décrit plus en profondeur la genèse du projet, le quotidien de ces peuples, en racontant leur histoire, illustrée par les clichés pris. La prochaine étape sera de trouver un éditeur pour le publier…»

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La photo de couverture prévue pour le livre @crédit photo Ilan Deutsch et Arnaud R-Gorsse

 

Est-ce que la rencontre avec ces peuples vous a fait changer votre regard sur le monde et notre société ?

Arnaud : « On en a tiré beaucoup d’enseignements, notamment de vivre plus dans l’instant présent et dans les liens humains. Il y a aussi une tristesse et un pincement au cœur que l’on retient, car ce sont des peuples qui ont réussi à vivre de manière durable durant des milliers d’années, et qui, victimes de la mondialisation, seront happés par ce phénomène. Leur mode de vie m’a donné l’envie de m’inscrire dans des démarches durables. Non pas dans des entreprises qui s’appuient sur de la compétitivité et dans l’appât du gain, mais plus sur des thématiques liées à l’environnement et les liens humains. »

Ilan : « Il a bien résumé les choses. J’ai décidé de me lancer pleinement dans la photographie pour continuer pleinement à rencontrer ce genre de peuple et éveiller les consciences. »

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À Madagascar, auprès de la tribu des Vézos @crédit photo I. Deutsch et A. R-Gorsse

 

Quel est le message que vous souhaitez qu’une personne retienne de cette exposition ? 

Ilan : « Ce serait une utopie qu’elle adopte le mode de vie de ce genre d’ethnies ! D’abord qu’elle voyage déjà un petit peu au travers cette exposition, que cela la fasse un peu réfléchir sur les conséquences de la mondialisation et de nos modes de vie, et qu’elle se sente inspirer par le mode de vie authentique et simple de ces ethnies. »

 

 

Marion. 

 

Pour plus d’informations : 

Exposition Regards d’ailleurs, jusqu’au 18 septembre à la Galerie Düo – Paris. http://regardsdailleurs.fr

Pour suivre les photographes : 

Le compte Instagram d’Arnaud Robert-Gorsse : https://www.instagram.com/arnaudrg/

Le site et le compte Instagram d’Ilan Deutsch : https://www.instagram.com/ilandeutsch/

http://www.ilandeutsch.com

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