Né à Paris en 1991, Brice Portolano est un photographe indépendant spécialisé dans la photo-documentaire. Après de nombreuses publications dans des magazines tels que le National Geographic, The Daily Mail UK ou l’OBS, il se lance entre 2013 et 2016 dans un projet personnel : « No Signal ».
Comment est né le projet « No Signal »?
Tout part d’une rencontre. Après mon stage chez un photographe à Portland, je suis parti avec une amie faire un road trip d’un mois dans l’Ouest américain. Nous avons rencontré Ben, via le site « couchsurfing », avec qui on a sympathisé très vite!

J’étais très curieux d’en savoir plus sur la culture américaine, savoir quelle relation ils entretiennent avec la nature, car là-bas, il y a beaucoup de grands espaces très bien préservés, en comparaison avec l’Europe. Dans certaines zones par exemple, les véhicules motorisés y sont même interdits. J’ai gardé contact avec Ben et je suis retourné le voir après un voyage de quelques mois au Canada. Durant ce séjour, j’ai pris de nombreux clichés et j’étais ravie du résultat! J’ai donc voulu rencontrer d’autres personnes qui avaient un mode de vie similaire à celui de Ben, pour en faire un projet plus large, sur le retour de l’Homme à la nature au 21e siècle, dans le monde occidental.

Quel est le message que tu veux transmettre aux personnes qui viennent voir cette exposition ?
J’aimerais susciter un questionnement sur leur propre relation à la nature. Qu’ils se demandent s’ils ont envie d’être plus connectés à la nature et quelque part les inciter, chacun à son échelle, à être plus proche de la nature qu’ils ne le sont aujourd’hui. Il n’y a pas de moral derrière cette exposition, ni de leçons à donner aux gens. Je les amène à voir qu’il y a d’autres personnes qui ont réussi à passer le cap de ce rapprochement et qu’eux aussi, dans une moindre mesure, peuvent le faire.

Un mot qui décrit l’exposition pour toi?
Authentique. C’est ce qui relie tous ces personnages ; de vraies personnes, sans artifices, sans habillages derrière. Il n’y a pas de situations que l’on a provoquées uniquement pour prendre des clichés ou de mises en scène pour montrer quelque chose qui n’existe pas. Ce sont des vrais instants qui se passent encore tous les jours, dans le mode de vie de chacun de ces personnes.

Quelle est la plus grosse difficulté sur ce genre de photos-documentaire ?
C’est probablement de réussir à se faire accepter par ces gens-là, à gagner leur respect ; qu’ils voient que tu n’es pas qu’un homme de la ville qui trouve amusant de les prendre en photo et qui vient pour prendre du bon temps.
Comment travailles-tu sur place, as tu une routine, des plans en tête?
J’ai toujours mon appareil photo avec moi quand je suis avec eux. Je ne pars pas avec l’idée d’un cliché précis en tête, mais il y a des ambiances que je veux retranscrire. L’intérêt d’une photo, c’est qu’elle représente un instant figé, donc tu peux réussir à raconter toute l’histoire qu’il y a derrière. Je prends des photos qui représentent plus qu’un seul instant, qui racontent leur quotidien et leur mode de vie.

Si tu ne devais choisir qu’une photo représentative de « No Signal » ?
Sans hésiter, ce serait la photo avec Ben qui porte son cochon! C’était la première photo du projet et c’est l’une des photos dont je suis le plus fier, parce que ce n’est pas forcement le type de cliché que j’ai l’habitude de faire. Ce couple qui pose devant l’objectif: une photo statique, mais qui en même temps est très spontanée et vivante.

Ce goût pour l’aventure et le voyage, tu as ça dans le sang ?
Mes parents ont énormément voyagé étant jeunes, ils ont habité à l’étranger pendant plusieurs années. Après la naissance de ma sœur et moi, ils ne se sont pas arrêtés et nous ont emmené avec eux. À chaque fois, on louait une voiture : c’était de l’improvisation totale ! Jamais de voyages organisés, donc on peut dire qu’ils m’ont un peu mis ça dans le sang ! Dès que j’ai pu voyagé seul légalement, je suis parti seul en Irlande en sac à dos à 16 ans, durant une douzaine de jours et après je ne me suis jamais arrêté… C’était mon premier road trip !

Tu dirais que tu es plus un homme de la ville, ou de la nature ?
J’aime le contraste entre la ville, quand je reviens à Paris, et la nature, quand je me retrouve chez des gens comme Jerry en Alaska, par exemple. J’arrive à voir le meilleur de ces deux mondes, en passant un petit moment avec eux et un petit moment en ville ; j’alterne à chaque fois.

À quel moment t’es-tu orienté vers la photo-documentaire ?
À la base, je faisais des photos entre amis, des photos de voyage pour garder un souvenir et créer du lien aussi. À l’époque je voulais avant tout être journaliste et cet attrait pour la photo-documentaire m’est venue assez naturellement, particulièrement en 2013, avec la naissance de ce projet « No Signal », où je me suis dit que je voulais vraiment rencontrer des gens et documenter des vies réelles via mon objectif.

Ressens-tu un manque, quand tu es de retour après un projet comme « No Signal » ?
C’est une grosse claque à chaque fois! En Alaska par exemple, j’ai vécu pendant deux mois dans une petite cabane en bois qui flottait sur l’eau. Je suis revenu à Paris, mes murs étaient blancs, tout en angles droits, avec de l’électricité, de l’eau courante ; j’avais l’impression d’être dans un hôtel de luxe ! J’alterne les deux de façon à ce qu’il n’y ait pas de manque. J’ai juste très envie de repartir à chaque fois !

Quels sont tes projets à venir, ta prochaine destination?
D’abord la sortie du livre qui retrace ce projet « No Signal ». J’aimerais beaucoup retourner en Alaska et découvrir la Russie et la Sibérie ; il y a des coins qui me plaisent énormément, qui sont assez inaccessibles… donc je compte bien m’y rendre prochainement !

Tu dis : « partir dans nature n’est pas une fuite, mais plutôt une quête », quelle est la tienne ?
C’est une quête d’expériences nouvelles, de ressenti nouveau, mais aussi un retour aux sources. Partir dans la nature te réinitialise. Cela te permet d’oublier les futilités de la vie quotidienne et de te concentrer sur ce qui est vraiment essentiel.