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Fabrice Guérin : « Un bon cliché doit raconter une histoire et soulever des questions »

Observateur, sensible au milieu sous-marin et engagé dans la protection de l’environnement, Fabrice Guérin nous fait voyager aux quatre coins du monde, sur terre comme sous la mer, avec ses photoreportages. Toute la beauté des fonds marins et de l’Arctique est réunie à l’occasion de son exposition WildLife, en partenariat avec l’association Sea Sheperd France.

 

À quand remonte votre passion pour la photographie ?

J’ai eu mon premier appareil photo en main étant enfant, grâce à mon oncle qui m’avait prêté le sien. Je suis parti en forêt photographier la nature et les animaux qui passaient par là ! J’observais déjà beaucoup à l’époque. Ce que je trouve intéressant, hormis la photo, c’est de voir comment fonctionnent les animaux dans leur environnement… Finalement, on s’aperçoit qu’ils ne sont pas si différents de nous… Aujourd’hui, j’ai mon métier de photographe, mais je suis également directeur artistique dans la presse magazine.

 SPERM WHALE

 

La plongée sous-marine fait partie intégrante de vos reportages, est-ce une passion ?

J’ai commencé à faire de la plongée à mes vingt-deux ans, lorsque j’étais encore étudiant, dans le but de photographier ce qu’il y avait sous l’eau. Comme on ne ramène rien de cet espace, on s’arrange en faisant des photos ! C’est une passion qui se combine naturellement avec celle que j’ai pour la photographie.

Quel est le plus dur dans la photographie sous-marine ?

Je trouve que photographier sous l’eau est beaucoup plus ardue que sur terre, car nous ne sommes pas dans notre élément. Lorsque l’on contemple un cliché, on ne s’imagine pas à quel point cela puisse être difficile, et pourtant, ça l’est ! Le plus dur reste d’avoir une stabilité et de maîtriser sa position dans l’eau. Tout est alors en mouvement, vous y compris, il faut donc réussir à bien cadrer. La clef reste l’observation. Vous saurez où l’espèce que vous voulez avoir arrivera, ce qu’elle fera et où elle repartira. Comme avec tous les animaux, il faut les laisser s’approcher. Ne jamais se mettre en danger sous le prétexte de vouloir faire une belle photo.

 

SPERM WHALE

 

Quel a été le déclic à votre engagement pour la protection de l’environnement ?

Il n’y a pas eu de déclic à proprement parler. Cela s’est fait naturellement, au cours de mes voyages et de mes observations. Il y a tellement de belles choses qu’on se dit qu’il faut faire quelque chose pour les préserver. Mon but est de partager mes images, d’expliquer aux gens et qui sait, de suscité ce déclic chez une personne. Avec ma femme on a aussi créé dans les années 2000 une association sur l’environnement marin et sous-marin : Mille et Unes Mers. Notre public de prédilection : les enfants !

Qu’est-ce qu’un bon cliché photographique pour vous ?

Pour moi, un bon cliché doit raconter une histoire et soulever des questions. Il faut avoir le sentiment de la redécouvrir à chaque fois que vos yeux se posent dessus.

 

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Quelles qualités faut-il avoir lorsque l’on fait de la photo de la faune et flore?

La patience et le respect des animaux, c’est primordial. Il faut aussi savoir accepter l’échec de ne pas avoir vu l’animal que l’on souhaitait voir ou pris le cliché que tant attendu. C’est tout le charme de la nature! Parfois on peut partir deux semaines dans un endroit et revenir sans rien. Je me souviens d’une fois où je suis resté une semaine sur un bateau et… rien ! Le facteur chance joue aussi, mais il y a également un travail de recherche en amont à effectuer sur l’endroit idéal pour observer une espèce en particulier.

Quelles missions regroupe cette exposition Wildlife ?

Cette exposition regroupe quatre des endroits qui m’ont le plus marqués :

« Les baleines du bout du monde », au royaume des Tonga, situé au nord de la Nouvelle Zélande. C’était assez nouveau pour moi, je voulais absolument observer les baleines et me mettre à l’eau avec elle. Je compte y retourner pour me greffer cette fois-ci à une mission scientifique.

 

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« Les perles de l’Arctique », où j’ai accompagné une mission d’observation sur les îles du Svalbard, fin août 2015. C’était très impressionnant ! Le bateau suivait la carte vieille de deux ans et on remarquait à quel point les glaciers avaient reculés. On prenait des notes et on observait la faune et la flore. Je souhaite y retourner sur plusieurs années en accompagnant des missions scientifiques.

« Rencontre avec les géants des océans », avec les cachalots au large de l’île Maurice, lors de la mission scientifique Maubydick, débutée il y a trois ans. On crée et met à jour des cartes d’identité d’un groupe de cachalots qui est là pratiquement à demeure. On leur donne un prénom et on note toutes les marques qu’ils ont sur le corps : attaques d’orques par exemple et les petits défauts au niveau des nageoires, afin d’avoir un suivi et connaître leur déplacement. On en a vu certains naître ! J’y vais depuis le lancement de la mission chaque année aux environs du mois de mars, la saison idéale pour observer les baleineaux.

 

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« Les eaux sacrées du Mexique », plongée au cœur des cénotes, ces nombreux trous d’eau douce de la péninsule du Yucatan. Je suis parti avec des spéléologues pour les observer. Ce sont des endroits incroyables formés depuis des millions d’années. Au fond il y a encore de l’eau de mer, qui s’est remplie ensuite avec de l’eau de pluie.

Vous avez d’ailleurs été élu photographe sous-marin de l’année 2015 avec ce cliché…

Je trouve cette photo impressionnante ! C’est un trou en plein milieu de la jungle maya… Une fois arrivé à 30 mètres de profondeur, on tombe sur un gigantesque nuage de souffre, d’où ressort une branche d’arbre. Il s’est formé des centaines d’années auparavant… Lorsque l’on passe ce nuage, il y a encore 30 mètres de profondeur avec au-dessous des amas de feuilles…

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Quel message voulez-vous faire passer au travers de cette exposition ?

Le message, c’est vraiment de préserver tous ces lieux et ces animaux. C’est aussi un message d’espoir : rien n’est perdu, on peut encore préserver à notre niveau, tout en vivant avec son temps. Ce sont des gestes simples de tous les jours, comme ne pas jeter ses détritus en bord de mer. J’aime partager et expliquer les différentes missions que j’ai pu faire, surtout avec les enfants ! À partir du moment où l’on a réussi à transmettre à une personne le message, c’est déjà cela de gagné pour moi.

Y-a-t-il une mission qui vous a le plus marquée ?

L’Arctique est l’endroit qui m’a réellement marqué. J’y suis allé en août, au moment de la fonte des glaciers, c’était hallucinant ! On observe directement les conséquences du réchauffement climatique. On se dit qu’en effet, dans quelques années, tout disparaîtra… C’est pourquoi j’aimerais me greffer à d’autres missions et retourner dans l’Arctique, à différentes saisons, afin d’observer les évolutions et montrer toute la fragilité de cette univers.

REINDEER

Avez-vous une anecdote à nous raconter ?

Lorsque vous plongez avec les cachalots, au moment où l’un d’entre eux vient vers vous, il vous scanne au son de cliquetis afin de savoir si vous représentez un danger. On se dit qu’il a mémoire de cette rencontre et qu’il ne vous scannera plus s’il vous recroise.

Si vous ne deviez choisir qu’une photo ici, laquelle vous tient le plus à cœur ?

Je choisirais sans aucun doute « Osmosis » (Osmose – acheté par le National Geographic), qui ne cesse de m’impressionner. Il y a tout dedans : le baleineau qui est sur sa mère dans une sorte d’étreinte, la clarté de l’eau et un vrai message. En observant cette photo, on se demande comment, encore à notre époque, on peut chasser cette magnifique espèce…

 

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La première fois que vous avez plongé avec des baleines, qu’avez-vous ressenti ?

Ah ! La première fois que j’ai plongé avec les baleines, je n’ai pas pu déclencher l’appareil ! J’étais subjugué… C’était tellement beau ! Il y avait aussi une appréhension, car je n’aime pas me précipiter et être dans l’urgence, j’aime prendre mon temps.

Arrivez-vous à vivre pleinement l’instant, lorsque vous prenez des clichés ?

Je n’ai pas de soucis à savourer l’instant présent. J’observe énormément. Je me suis mis un viseur un peu décalé, pour toujours être dans l’observation. Ce qui m’intéresse, c’est de faire des photos spontanées. Là où il faut faire attention, c’est de ne pas rester rivé sur son appareil photo, il faut observer et la photo vient naturellement…

 

TAJ MAHAL CENOTE

 

Quel est l’animal qui vous a le plus impressionné ?

Tous les animaux que j’ai photographiés m’ont touchés, mais l’ours polaire est celui qui m’a le plus impressionné ! En voyant sa démarche lourde et posée, on a l’impression qu’il est lent, ce qui est incroyable, car il peut se déplacer départ-arrêté à une vitesse de 30 à 40km/h !

ARCTIC TERN

 

Avez-vous un rituel particulier à la fin de vos reportages?

Quand je rentre d’un reportage, c’est assez curieux, mais je ne regarde pas tout de suite mes photos. Je digère… Ce n’est qu’après que je commence à faire le tri et à scruter les pellicules. Je voyage à nouveau et je repère des détails que je n’avais pas vus auparavant lors de la prise. À la maison, je n’accroche pas mes photos, tout reste dans la tête…

Quels photographes vous inspirent ?

Tous ont du talent, qu’ils soient connus ou non. J’admire beaucoup le travail de Vincent Munier sur les loups, qui relate une histoire, et présente un travail de fond remarquable. Je dis toujours que tout le monde devrait se mettre à la photographie pour montrer la beauté des choses. Le but, c’est de partager.

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Avez-vous un animal que vous rêveriez de photographier ?

Il y en a beaucoup, mais si je devais n’en choisir qu’un, ce serait le loup. Il m’impressionne, me fascine…

Quels sont vos projets à venir ?

Je vais partir en décembre à Djibouti avec un ami, pour observer les requins baleines, mais aussi au Rwanda, pour photographier les gorilles et plonger en Norvège pour voir des orques. J’aimerais également retourner à plusieurs reprises en Arctique l’année prochaine, afin de proposer une exposition uniquement axée sur l’Arctique et la fonte des glaces.

 

Infos pratiques

Exposition : Du 5 au 27 novembre

The Chata Gallery, 19 rue Notre Dame de Nazareth, Paris 3

Photos et vidéos accompagnant les reportages sur le site chate Gallery et la chaîne Youtube 

10% des ventes des tirages seront reversées à l’association Sea Sheperd France.

 

 

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